Giulio Minghini, Fake, Éditions Allia, 2009, 138 pp. |
Il découvre alors une sorte d'univers parallèle, dont il sera vite prisonnier.
Dans Fake- une autofiction, encore- Giulio Minghini brosse un tableau dystopique des sites de rencontre.
Le narrateur (dont on ne connaitra jamais le nom) dénigre tout d'abord les règles du jeu, par une critique cinglante de la pseudo faune bobo-artistique-gauchiste qui évolue sur point communs, avant de basculer dans l'abîme, et la manipulation qu'elle suppose.
Car le protagoniste n'est plus lui même. En souffrance, et cherchant à combler le vide, il s'incrit d'abord dans l'espoir d'oublier Judith. Mais très vite, ses intentions sont perverties par les facilités qu'offre le site en question. Facilité dans le fait d'aborder l'autre en quelques clics, mais surtout la simplicité du mensonge qui apparait comme monnaie courante. Il troque son interioritée contre une modélisation virtuelle de son âme appelée Delacero pour cummuler les rendez-vous, la plupart sans lendemain dont il gonfle ensuite son tableau de chasse. Mais la solitude du personnage est un tonneau des Danaïdes. Il est comblé, le temps d'un instant, lors de rencontres organisées entre deux chats, mais qui le ramènent inéluctablement devant son ordinateur.
Le problème est toujours là, il a juste été déplacé. La solitude devient numérique.
Le traitement de l'histoire est assez interessant en lui même, du fait que le personnage ne peut pas enlever un masque qui finit par lui ronger le visage. Parallèlement, et dans la multiplicité de ses rencontres il découvre que l'experience physique et complétement différente de celle de l'écriture, relevant toutes deux d'une spacio-temporalité différente. Son incapacité à jouer sur les deux tableaux, sa terrible lucidité, acouchent d'une écriture froide, qui pourraient rebuter le lecteur quand le héros atteint un point de non-retour. Le style est cinglant, très cru. Le personnage est ce que l'on appellerait vulgairement une ordure. Le dégout qu'il sucite est un puits sans fond, qui nous amène à oublier que son cynisme n'est que la manifestation maladroite d'une terrible détresse.
C'est déboussolée que je referme ce livre, au terme d'un long voyage au bout de la solitude humaine, certains instants sont tellements réalistes qu'il est parfois difficile de soutenir son propre reflet dans la psychée de Fake, laquelle nous montre nus, tels que nous refusons parfois de nous voir.
À bon entendeur.
N.A
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