jeudi 26 février 2015

"Ça marche toujours lorsqu'on sait ce qu'on fait. "

Jonathan Livingston le Goéland,
Richard Bach, Éditions J'ai Lu, 2010, 127p.
J'ai reçu ce tout petit livre il y a deux ans, et je m'étais jurée de m'y attaquer au plus tôt (ha-ha) après avoir lu les critiques élogieuses de la blogosphère et parce ce que mine de rien, il s'agit d'un must de la littérature Américaine.
Jonathan Livingston le Goéland est un livre court qui aurait du se lire tres vite. Oui, aurait du.
J'ai surement du rater quelque chose pour que ce livre me laisse de marbre et vais bien évidemment tenter de vous en parler ici.

Mais revenons-en d'abord au propos du livre pour mieux vous mettre dans le bain.
La quatrième de couverture nous dit : Jonathan Livingston n'est pas un goéland comme les autres. Sa seule passion : voler toujours plus haut et plus vite, pour être libre. Mais cet original qui ne se contente pas de voler pour se nourrir ne plaît guère à la communauté des goélands. Condamné à l'exil, seul, Jonathan poursuit ses découvertes, sans peur, sans colère. Il est seulement triste de ne pouvoir les partager, jusqu'au jour où il rencontre des amis... Jonathan apprend alors à briser les chaînes qui emprisonnent son corps et ses pensées. Ce livre drôle et poétique est un hymne à l'amour et à la liberté !

Drôle et poétique? Vraiment?
Par sa longueur (cent-trente pages à peu près), un roman comme celui la se devatt de frapper droit au but, d'aller chercher la jugulaire.
Au lieu de cela, le lecteur à surtout l'impression que l'auteur tourne autour du pot, à force de noyer une intrigue vachement prévisible dans une marée de détails relevant du spirituel, le tout d'une écriture manquant cruellement de souplesse, ce qui nous amène au plus gros problème de ce roman.

La lecture de ce livre à été plus que laborieuse et je regrette un peu de ne pas l'avoir lu dans sa version originale. Pour moi, un roman initiatique dont le thème principal est la liberté se doit être poétique et fluide... Seulement voila, les termes sont mal choisis, et les tournures très maladroites, à croire que le traducteur à retranscris le roman linéairement sans s'imprégner de son esprit, à moins qu'il n'ait fait un pari dans le genre " T'es pas chiche de nous pondre la traduction la plus sèche du monde".

Cette lourdeur qu'introduit la traduction est relayée par le traitement de l'histoire et les grands thèmes abordés par Richard Bach. Jonathan Livingston le Goéland est un roman initiatique où le personnage éponyme, rejeté par les siens tire les conclusions de son exclusion, et trouve force, courage et transcendance dans sa différence.  Jusque là, tout va bien. Seulement la deuxième et la troisième partie du roman m'ont été insupportables. Je pense même que c'est à partir de là que j'ai décroché. Dès lors que Jonathan est exclu de sa communauté, le roman verse dans une espèce de dimension fantastique, une sorte de Nirvana ou le personnage éponyme fait la connaissance de celui qui sera son gourou, l'instigateur de sa formation spirituelle dont le crédo est « Exigez la liberté comme un droit, soyez ce que vous voulez être. » . C'est à partir de ce moment la que l'on découvre que les personnages ne sont que de simples archétypes sans aucune épaisseur psychologique, ce qui rend l'action extrêmement prévisible, et donc extrêmement ennuyeuse. La fin, elle, est tout ce qu'il y a de propre aux idéalistes bien pensants, et le livre s'achève dans un esprit de conversion de la masse.
Le fait que ce livre soit considéré comme un self-hep book par certains aurait du me mettre la puce à l'oreille. On ne m'y reprendra plus.

N.A

vendredi 13 février 2015

"En rentrant, nous jetons dans l’herbe haute qui borde la route les pommes, les biscuits, le chocolat et les pièces de monnaie. La caresse sur nos cheveux est impossible à jeter."

Le livre dont je souhaite vous parler aujourd'hui fait partie de mes coups de coeurs de l'année 2014. Il s'agit du premier tome de La Trilogie des Jumeaux de la Hongroise Agota Kristof, trilogie que j'achèverai dans les jours qui suivent. J'ai cependant tenu à chroniquer les tomes séparément, voire de ne chroniquer que le premier tome, moins par paresse que de crainte de vous aiguiller sur la suite des évènements.


Le grand cahier, c'est l'espèce de journal que les jumeaux Klaus et Lucas tiennent lors de leur séjour à la campagne, lorsque leur mère les confie à leur Grand-Mère pour les protéger de la guerre qui fait rage dans la Grande Ville.

"Nous l'appelons Grand-Mère.
Les gens l'appellent la Sorcière. Elle nous appelle «fils de chienne»."

Le pavé est jeté dans la mare. Les jumeaux réalisent bien vite que pour survivre, ils n'auront d'autre choix que de compter l'un sur l'autre et surtout sur eux même. Ils sont deux contre le monde entier, ou peut-être devrai-je dire qu'ils ne font plus qu'un, et que cette relation adelphique fusionnelle est leur dernier rempart face à la sauvagerie du réel.

Face à un monde où la cruauté n'a plus d'égal, et pour s'endurcir, les jumeaux entreprennent alors une étrange éducation en autodidactes, doublée de rituels (exercices de cécité et de surdité, d'immobilité, de résistance à la douleur physique et morale) qui devraient leur permettre d'affronter le monde et son absurde violence.
Le tout consigné d'une écriture froide, où le Nous prédomine, comme pour préserver leur dernier bastion, cette gémellité qui apparait comme leur seul espoir de survie.
Le grand cahier
fait partie de ces oeuvres qui privilégient la fonction de narration à la fonction esthétique. Il en résulte une écriture cash, qui va droit au but, une écriture qui montre à quel point les enfants sont parfois singuliers... et terribles.

Le grand cahier est un livre qui dérange de par son caractère cru, tant par son écriture que par les termes abordés. Certains chapitres sont très graphiques, et j'ai par moment du réprimer quelques haut le coeur tant l'horreur y est omniprésente, et surtout à cause de la voix blanche des Jumeaux qui dépeint les scènes les plus abjectes d'une voix étrangement tranquille. Une voix qui se contente de décrire ce qu'elle voit en faisant abstraction de toute émotion, Klaus et Lucas ne se fiant jamais à leurs sentiments qu'ils considèrent comme une marque de faiblesse.

Vous vous demandez surement pourquoi je défends ce livre, alors que la présentation que j'en fait est loin d'être appétissante, c'est le cas de le dire. Le grand cahier n'est certainement pas un livre à mettre dans toutes les mains. Il aborde des thèmes tel que le masochisme, la pédophilie, la zoophilie, la guerre et son charnier (bien évidement) et cette liste est loin d'être exhaustive. Les jumeaux peuvent paraître cruels, inhumains, étranges au premier abord...
Et pourtant leur humanité est bel et bien présente, même si profondément enfouie. Lisez plutôt cette phrase, et voyez par vous même:

En rentrant, nous jetons dans l’herbe haute qui borde la route les pommes, les biscuits, le chocolat et les pièces de monnaie. La caresse sur nos cheveux est impossible à jeter.

J'ai personnellement adoré ce livre, à cause justement de ces instants de grâce. C'est un roman qui se lit vite. Les chapitres sont courts, l'écriture est simple, concise et incroyablement efficace. On va de gifle en gifle et on en redemande. Avec Le grand cahier, Agota Kristof montre comment l'écriture peut faire figure de salut. Et peut-être qu'en lisant entre les lignes, vous parviendrez à anticiper la suite (je n'y suis pas parvenue avant d'aborder le deuxième tome) qui est plus que surprenante. À suivre...

NA


jeudi 12 février 2015

"La guerre, heureusement, éclate le lendemain, ce qui fait que je ne suis jamais allée faire la bonne ni chez les Burgos, ni chez personne."

Ceux qui, avec le Goncourt, s'attendaient à voir défiler un cortège de romans portant sur la première guerre mondiale se sont trompés. La sélection de 2014 ne serait pas celle de 1914. L'académie semble en effet avoir tablé sur l'éclectisme en proposant aux lecteurs un large éventail de thèmes, mais où la dimension historique apparait cependant comme majoritaire.
Après l'Algérie française de Kamel Daoud, la condition juive dans Charlotte ou Ce sont des choses qui arrivent, et l'éternelle problématique des frontières abordée par Emmanuel Ruben, Lydie Salvayre nous propose de revivre une autre guerre : celle qui divisera l'Espagne en 1936, théâtre d'atrocités aussi bien adverses qu'intestines.

Pour ce faire, l'auteur tresse deux visions de la guerre: celle de Georges Bernanos, fervent catholique et royaliste qui choisit de témoigner contre son propre camp après avoir assisté aux abominations de Palma perpétrées par ceux que l'on appellera plus tard les franquistes, et parallèlement, le regard de Montse, la mère de la narratrice, quinze ans en 1936, qui vit la guerre d'Espagne comme un affranchissement euphorique des moeurs villageoises et du code social avant d'être ramenée à la réalité.
Le roman de Lydie Salvayre à cela d'agréable que ses personnages ne sonnent pas faux: cette justesse est sans doute liée au fait que l'auteur prend le temps de brosser le portrait psychologique de chacun d'entre eux : grâce à la focalisation interne, la narratrice nous dévoile l'intériorité de tous les personnages, la mère c'est évident, et entre autres celle de Josep, tête brulée qui finira martyr ou encore l'ombrageux batard, Diego. Ce choix de focalisation est fondamental dans le sens ou il permet au roman d'inviter le particulier, à savoir le quotidien des civils dans l'universel qui est la guerre d'Espagne. Le conflit, qui est pourtant abordé dans nos livres d'histoire nous est raconté autrement et va à l'encontre de l'optique analytique et scientifique que nous connaissons si bien aux ouvrages historiques et sociologiques.
Par la focalisation interne, le roman devient alors un médium où le vécu du héros prime sur l'Histoire avec un grand H, où l'individu prend le dessus sur la généralisation scientifique. Un peu comme si, pour une fois, nous pouvions raconter l'histoire de Montse, Diego ou Josep, la littérature devenant, avec le cinema, le seul lieu où il serait possible d'occulter un temps Franco pour laisser la place à un monsieur ou à une madame tout-le-monde.
La thématique du courage est omniprésente dans ce roman: le courage d'assumer, incarné par Montse, celui de mourir pour ses idées, et surtout le courage de remettre en question ce que l'on prenait pour aquis, d'être intègre quitte à dénoncer ce que l'on cautionnait après avoir été témoin du mal, et ce à travers la figure de Georges Bernanos qui pose la littérature comme étant un acte de citoyenneté.
Les passages en espagnol ne m'ont personellement pas plus gêné que ça. J'ai même trouvé que le métissage de la langue apportait une espèce d'euphorie communicative des plus bienvenues dans la manière l'histoire. Je regrette l'absence de traductions, de notes quelquonques car je conçois que pour ceux ne connaissant pas la langue, l'abondance de ces passages puisse rebuter
J'aurais aussi aimé que Georges Bernanos soit plus présent dans l'intrigue, le fait de l'introduire par petites citations tronquant à mon sens la fluidité du récit n'avait pour effect que de rendre par moment la construction du roman rébarbative et, je dois l'avouer, quelque peu laborieuse. Il faut s'accrocher ferme pour ne pas lacher Pas pleurer. Bien qu'ayant pris en affection la mère de la narratrice, j'ai manqué de ce petit quelque chose qui fait l'excitation, les grandes envolées romantiques, et les espoirs déchus... Je n'en suis pas sortie particulièrement remuée et on me l'avait tellement vanté que je ne peux vous cacher ma déception.


Le Goncourt de cette édition 2014 partait surement d'une excellente intention. Il a d'abord le mérite de faire découvrir Georges Bernanos, voire de donner envie de le lire. Le mérite aussi de vouloir poser la littérature comme devoir de mémoire. Projet ambitieux, certes, peut-être même un peu trop pour la plume de Lydie Salvayre qui ne parvient pas, à mon sens, à toucher le lecteur, à frapper au ventre et à frapper fort.
Maladroitement exécuté, Pas Pleurer reste à mon sens un roman moyen, qui tout au plus vous apportera une autre vision de la guerre d'Espagne.

N.A

mercredi 11 février 2015

"Et je sais, je sais que toutes les filles se sont trouvées affreuses, en se réveillant ce matin, et que toutes attendent un coup de fil qu'on ne leur passera jamais. "

Parfois, et quand je fais une overdose de La princesse de Clèves et autres facéties de la même verve, je me surprends à lire de la Chick-lit, et ca marche parce que dans la plupart des cas, c'est toujours une bonne purge. Ce roman porte très bien son nom. Lire ce livre jusqu'au bout doit bien vous fait miroiter l'enfer, tellement on s'y ennuie.


Et comme il faut résumer l'histoire: Il était une fois, une jeune fille de dix huit ans qui vivait dans le très chic Paris Ouest, vous savez, celui ou certains parents créent des monstres. Entre deux séances shopping, une ligne de coke, et du foutre en veux tu en voilà, la jeunesse s'ennuie ferme, enchaine les bêtises à trois mille euros l'une vu que du toutes façons, contrairement à d'autres, elle a droit à l'erreur. Et puis un jour, Hell rencontre Andréa, son prince charmant, son alter égo, son... Enfin bref, nous voila en plein dans de la Chick-lit déguisée, mais de la Chick-lit quand même.

On m'accuse souvent de faire de l'élitisme dans mes lectures, et puis, il est vrai que je ne porte pas vraiment la Chick-Lit dans mon coeur (ni la Science Fiction, allez savoir pourquoi), et que je ne m'attendais pas ce que quelqu'un du nom de Lolita fasse des miracles. 
Mais lisez plutôt la suite.

L'histoire n'est pas horrible en soi, c'est, comment dire, cette énumération de noms de boites, d'argent, de coke, d'argent, de marques, de voitures, d'argent encore qui rendent la lecture insoutenable.
Du coup, on se retrouve avec plus de soixante dix pages de rien, fades au possible où vous avez envie de maraver la gamine à coup de pelle pour rajouter un peu de piquant à l'action. 

Ca va soixante-dix pages, c'est pas la mort
,

bon je conçois qu'en effet, ce n'est pas énorme mais quand le livre fait 150 pages à tout casser, il doit bien y avoir un problème quelque part.

Mais non! si tu t'es ennuyée c'est que tu n'as rien compris à la portée de ce roman
, Si si, j't'assure: que l'héroïne utilise argent, voiture, prétendants et j'en passe pour combler un manque affectif, les pages blanches du livre, et un certain vide intellectuel.

Non, franchement, je ne sais pas ce qui me désole le plus dans ce livre. J'exclus l'univers, parce que Mes illusions donnent sur la cour de Sasha Sperling traite d'à peu près la même chose et que j'en avais gardé un souvenir beaucoup plus agréable. Il y a clairement quelque chose dans le traitement de Hell qui me chiffonne: Outre l'aspect pognon pognon pognon, l'imaginaire de Lolita Pille n'est qu'un condensé de bitter-sweet, souvent collant, où le trash se superpose et s'use, ce qui fait qu'au bout de la cent cinquantième éjaculation faciale, vous vous retenez de ne pas vous lancer dans un bâillement à faire trembler les murs.
En fait, je me demande surtout comment on peut écrire un livre avec des ficelles tellement grosses. Si je ne l'avais pas prêté, je vous aurais cité ce merveilleux passage qui fait la description d'Andréa, voyou-tropdaarktropbôw, dont Hell tombe éperdument amoureuse, où l'archétype du Bad Boy dont rêve toute gamine pubère ayant atteint l'apothéose hormonale.

Lolita Pille nous offre donc un roman exhibitionniste, dans le thème petite frappe pour brebis égarées et blasées. En se plongeant vraiment dans Hell, on constate que l'auteure est une pro du degré zéro de l'écriture. Il n'y a quasiment aucune image. C'est vide, ça sonne creux. Autant se rabattre sur Mes illusions donnent sur la cour, dans le même genre mais mieux traité, et qui, bien que moins trash dans la forme à le mérite d'avoir un fond où sur Brett Easton Ellis, maître incontesté du genre.