mardi 30 mai 2017

Et les nuages se rassemblèrent à la hâte et se préparèrent à partir. Ils regardèrent en bas en un ultime adieu, et fondirent en larme.

Najwa M. BARAKAT, Ya Salam !,
Actes Sud, coll. "Sindbad"

"- Ce ne serait pas la ville qui ne se reconnaît plus? dit un nuage.
-Et qui ne reconnaît même plus les autres ! répondit un deuxième.
-C'est vrai que ses habitants ont perdu la mémoire des larmes? demanda un troisième.
Et de nombreux nuages s'amoncelèrent, se bousculèrent...
Pour regarder en bas avec curiosité.
"
 
Nuages bibliques du déluge, choeur universel et cosmique, peut être ont-ils le recul nécessaire pour plonger dans les entrailles de la ville. Pour se pencher sur le destin de Louqmane, de l'Albinos, et de Najib, respectivement artificier, tortionnaire et sniper, qui, dès la fin de la guerre ont perdu tout ce qui rythmait leur quotidien: L'ivresse du crime, le plaisir d'humiler, de tortuer, de tuer, de violer.

À travers le regard de ces miliciens désœuvrés, contraints de transposer leurs cruautés et leur frénésie meurtrière - notamment sur les rats qui envahissent la ville, mais aussi et surtout sur les femmes-, l'auteure brosse le portrait du Mal, personnage principal du roman.
À l'instar des rats qui pullulent, étroitement liés à l'univers tragique et symptomatiques du phénomène de destruction, il s'empare de la ville, corrompt les personnages qui sombrent peu à peu dans la démence.

Aucune possibilité de sortie pour les monstres grotesques et terriblement ordinaires de Barakat, lesquels renvoient irrévocablement au lecteur le reflet de ses propres vices.
Le monstricide consommé, la catharsis opère.

Violent, cru et bien noir comme nous les aimons, ce livre est un must de la littérature de guerre libanaise. Portrait sans concession d'une génération foutue, ironiquement tragique comme le suggère le titre [C'est formidable !], peut-être permettra-il au lecteur d'exorciser les démons de la guerre par procuration.


N.A

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