mardi 25 novembre 2014

"Tu mens comme on ment au théatre avec tous tes accessoires[...]. Mais je ne vais plus au théâtre Lajos. Voilà quinze ans que je ne vais plus au théâtre, que je ne vais plus nulle part. [...] Regarde moi ! La voilà la réalité ! Regarde moi dans les yeux! [...]Ma vie est finie et c'est ta faute si elle s'est déroulée ainsi, vide et mensongère; c'est ta faute si je suis restée seule comme une vieille qui a tellement économisé ses émotions qu'elle finit par adopter un chien ou un chat."

La quatrième de couverture a dit: L'Héritage d'Esther, publié en 1939, rassemble en un bref récit tout ce qui fait l'art de Márai. Retirée dans une maison qui menace ruine, engourdie dans une solitude qui la protège, une femme déjà vieillissante voit soudain ressurgir le seul homme qu'elle a aimé et qui lui a tout pris (surtout sa volonté de vivre), ou presque, avant de disparaître vingt ans plus tôt. La confrontation entre ces deux êtres complexes Esther la sage, ignorante de ses propres abîmes et Lajos l'insaisissable, séducteur et escroc est l'occasion d'un de ces face à face où l'auteur des Braises et de La Conversation de Bolzano excelle. Un face à face où le passé semble prêt à renaître de ses cendres, le temps que se joue le dernier acte du drame, puisque « la loi de ce monde veut que soit achevé ce qui a été commencé ».
La tension dramatique extrême, l'atmosphère somnambulique, l'écriture sobre et précise font de ce court roman un véritable chef-d'oeuvre. 


Ce que Gaspard dit: Étrange roman que L'Héritage d'Esther.
J'ai eu du mal à entrer dans l'univers de Màrai, du mal aussi à comprendre l'intrigue et les personnages, et ça n'arrive presque jamais. En fait c'est très perplexe que j'ai refermé ce livre.
Esther vit recluse avec une vieille gouvernante dans la maison familiale. Cette maison la protège, elle y mène une vie tranquille mais cet equilibre n'est qu'un cache misère vu que la maison menace de s'effondrer (en supposant que la dite maison reflete l'interiorité d'Esther). Puis débarque Lajos, que tout le monde dépeint comme un escroc, et pourtant autour duquel on tourne.Sa visite n'est pas gratuite. Il a pour intentions de demander à Esther d'hypothéquer sa maison pour une raison quelquonque, parce qu'elle la lui dois bien. Sa venue fait remonter les vieilles rancoeurs, les secrets de famille que l'on pensait avoir enterré avec les morts, ou que l'on croyait cachés dans quelques tiroirs secrets, ou boîte en bois de rose.
Esther sait que Lajos ment, qu'il ment comme le vent hurle. Pourtant elle se plie a la mascarade et accède à sa requête. D'où le fait que je sois extrement déconcertée d'autant plus que la principale interessée était en pleine possessions de ses moyens.
On ne peut pas être aussi con. Cela devrait être interdit.
Reste deux interpretations possibles. La première et la plus logique, serait qu'Esther soit victime de la fatalité. Cela ne semble pas improbable, si l'on considère qu'elle vit avec une gouvernante que l'on pourrait assimiler à l'eternelle poncif des tragédies raciniennes maitresse/confidente, et que la tension du roman atteint son pic dans un huis clos que l'on pourrait assimiler à la scène. En plus ce ne sont pas les allusions au théatre qui manquent. La capitulation du personnage éponyme semble alors inéluctable et n'a rien de grandiose vu qu'elle arrive a madame tout le monde.
La seconde (tirée par les cheveux mais à laquelle je m'efforce de croire) serait de voir en la capitulation d'Esther une victoire, car en donnant la maison à Lajos (je dis bien donner), cette dernière fait preuve pour la première fois de libre arbitre, et d'une pierre deux coups car la maison en elle même semble hantée par les fantômes qui minent la volonté du personnage principal.
Je n'ai pas aimé ce roman, mais avec du recul je pense arriver à mieux le cerner. Sandor Maraì qui multiplie les nons-dits pour preserver l'ambiance fumeuse de la diégèse où tout est secret, intrigue et coups fourrés, peint en quelque sorte le tragique de l'ordinaire. Un coup à être hanté par l'histoire d'Esther dans une eternelle volonté de comprendre.

N.A

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