Il faut d'abord se figurer une petite bourgade en Sibérie. Une antichambre du Goulag où Staline enverrait tous les individus gênants. Petia, huit ans, fait pourtant parti de ces gens là.
Condamné à évoluer dans un monde austère, dont la faim est le pain quotidien, et où la peur et le soupçon sont de mise, Petia tente de rester enfant, à une époque où la plupart des gosses ne savent même plus ce que c'est, l'enfance.
Sans parler de coup de coeur, la plume de Bednarski aura quand même sû nous toucher.
Les Neiges Bleues flotte entre joie et tristesse, bonheur et malheur, sans jamais tomber dans l'excès ou s'enliser dans le registre pathétique. Il le doit d'abord à sa structure qui l'apparente à un receuil de nouvelles et qui pare au risque de longueurs mais pas que.
L'auteur (car oui, il s'agit bien d'un roman autobiographique) aurait pu s'attarder sur les souffrances endurées dans cette antichambre de la mort, et occulter le reste. Au lieu de cela, on suit les frasques de Pétia et de sa bande, leurs jeux d'enfants, leurs joies, leur peines, leurs premiers amours, le tout avec beaucoup de justesse. Les divers épisodes de cette enfance sous Staline sont relatés de sorte qu'ils donnent à voir la cruauté des hommes sans jamais la caricaturer; une cruauté qui, comme le rappelle l'auteur, découle souvent de passions mal éteintes et de plaies béantes à l'âme.
Verser dans le registre pathétique serait contraire à la trempe des Neiges Bleues. Contraire à la volonté de Petia enfant de vaincre coute que coute sa peur des ténèbres. Contraire à cette arcadie humaine -et donc fragile- où le royaume des mères, le règne de la Beauté, feraient bouclier aux abus et à l'opression de Staline. Contraire enfin à l'esprit de ce roman, à l'Espoir qui lui est propre.
Il faut lire ce livre. Par devoir de mémoire d'abord et contre le négationnisme, parce qu'il nous permet de ressentir la réalité Siberienne à travers la simplicité et la pureté de l'enfance; mais surtout parce que le style de Bednarski invite à la poésie, même dans les periodes les plus sombres, et que cette poésie est toujours un instant de grâce.
N.A
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