mardi 6 mai 2014

"J'étais fière de lui. Je les ai défiées. Je leur ai dit qu'il ne me tromperait jamais. Mais ils ricanaient. Alors j'ai eu tort. J'ai fait le pacte."

"L'eau est l'élément de la mort jeune et belle,
de la mort fleurie, et, dans les drames de la vie
et de la littérature, elle est l'élément de
la mort sans orgueil ni vengeance.
"
Gaston BACHELARD, L'Eau et les Rêves
Inspiré par le conte de l'Allemand Frédéric de La Motte-Fouqué, Jean Giraudoux reprend la figure d'Ondine qu'il adapte ensuite au théatre, et c'est une merveille.
Je ne saurais dire exactement ce qui m'a attiré chez ce petit livre. La couverture est assez degueulasse, le résumé inexistant. En le voyant, j'ai immédiatement pensé au poème d'Aloysius Bertrand, du même nom, et aussi, un peu a l'album de Benjamin Lacombe que j'avais acquis une semaine plus tot et que je n'avais pas eu le temps de lire. Je vous en parlerai surement ensuite.

La pièce, à l'instar du conte de Frédéric de La Motte-Fouqué raconte l'histoire d'Ondine, une créature des eaux proche de la naïade, qui tombe eperdument amoureuse d'un chevalier errant. Mais les divinités des eaux voient d'un mauvais oeil l'union de deux êtres appartenant à deux régimes différents. Ondine, forte de son amour pour Hans, défie sa communauté et commet l'irréparable.
Si il la trompe, il mourra, conformément au pacte des ondines.


L'Ondine de Jean Giraudoux est un peu l'histoire de la dialectique sexuée de l'enlisement face a l'inconstance de l'homme. Des hommes...
Ondine aime, et pour plaire à Hans, elle tente de sacrifier sa part de monstruosité, aspirant ainsi aux régime des mortels. Mais la jeune fille n'est préparée ni à la cruauté des hommes, ni à leur inconstance.
C'est beau... un petit bijou de tristesse. On a d'abord du mal à se repérer, l'enchainement des actes et des scènes étant ponctué de nombreuses ellipses, mais passé outre ce detail qui par ailleurs ne mine en rien la lecture, la piece nous submerge pour ensuite nous entrainer dans sa cavité. Une véritable descente dans les profondeurs du ventre. J'ai adoré les personnages de ce livre, aucun n'est vraiment détestable, et tous sucitent de l'empathie. On ne peut être que touchée par Ondine, par sa naïveté apparente qui cache une profonde lucidité. On souffre avec elle, pour elle, et surtout pour nous.
Il y a une ondine en chacun de nous. La pièce décrit parfaitement les mécanismes de la passion et offre une vision assez pessimiste de l'amour et des rapports humains que l'auteur nous depeint du point de vue enfantin du personnage principal, completement deshinibé du fait de sa condition de monstre.
La naïveté d'Ondine est desarmante,  elle nous berce pour ensuite nous prendre a la gorge sans prévenir, car l'héroïne "grandit" dans la souffrance, faisant preuve, à la fin de la pièce d'une terrible lucidité dont Giraudoux se sert pour faire le procès de l'amour, quête d'une perfection illusoire.  

En lisant Ondine, j'ai eu l'impression de tomber le masque, de m'incarner pour enfin asseoir le monstre en moi, et d'accepter d'être regardée en tant que tel.


Plus on souffre, plus on est heureux. Je suis heureuse. Je suis la plus heureuse.







samedi 3 mai 2014

Home- Toni Morrison



Christian Bourgois- 11.99 €- 156p-  Août 2012

"Ce ne fut pas tant douloureux qu'ennuyeux. Cee pensa que cela irait mieux par la suite. Mieux s'avéra tout simplement plus et, tandis que la quantité augmentait, le plaisir de la chose résidait dans sa brièveté." p.55


En général, je me méfie des auteurs à prix comme de la peste, la faute aux médias et à la surenchère qui leur est propre. Il ne me serait jamais venu à l'esprit de me plonger dans ce petit livre si ce dernier n'avais pas été pas au programme de littérature comparée de cette année.
 
Autant dire que le premier contact avec Toni Morrison n'as pas été concluant, loin de là.

Roman épars tant dans sa structure que dans la quête de son personnage principal, Home relate l'errance de Frank noir américain, fraichement démobilisé de la Guerre de Corée et quelque peu nevrosé, qui rentre au pays et traverse les États-Unis de la ségrégation raciale pour délivrer sa soeur Cee des griffes d'un medecin eugéniste.

Je ne serais pas honnête en disait que j'ai détesté, simplement, je sais que je ne le relirais pas.
Ce petit roman peut s'averer (parfois) d'une grande subtilité. Rien n'y est évoqué clairement, et pourtant tout est là, la sensation de gêne en prime. Certain passages sont d'une puissance rare, du fait qu'ils sont transmis dans une langue épurée où Morrison n'accuse pas, mais constate d'un oeil désabusé qui décappe tout sur son passage.

Seulement voila: j'attendais beaucoup trop de Home: un puzzle complexe à reconstituer, un peu à la Anima de Wajdi Mouawad, de la violence, bref, une claque monumentale...


... et la claque n'arrive pas... Ou alors elle m'a à peine éfleurée.

Certes ce livre partait d'une intention très louable. On m'avait parlé de roman initiatique, de relation adelphique, de la condition des noirs, du racisme, de l'emancipation  de la femme.
Tout y est. Mais le roman est tellement court, et tellement épars que ses thèmes comme ses personnages sont beaucoup trop dilués et l'intrigue, elle verse dans la platitude la plus extrême. Je me suis ennuyée (lapidez moi)  alors que le sentiment d'être resté sur ma faim, lui est omniprésent. A aucun moment je n'ai pu m'attacher aux personnages. A aucun moment je n'ai été happée par le roman qui relevait plus de la corvée quant à la difficulté de s'y plonger (un grand merci au traitement en surface) et la lenteur du rythme, peut être aussi à cause du style. Si certains passages font justice à la plume de l'auteure, la traduction rend beaucoup trop souvent la lecture laborieuse.

C'est donc avec soulagement que je referme Home. Non pas qu'il m'ait profondément déplu, seulement, j'aurai aimé qu'on lui prete un peu plus d'intensité, de violence, et de chaleur.


N.A