lundi 23 mars 2015

"Nous restons toujours les mêmes, et ceux que nous avons été, dans le passé, continuent à vivre jusqu'à la fin des temps. "

Je ne vous l'avais pas encore dit mais j'ai fait mon retour en librairie lundi !
Je n'y reste malheureusement pas très longtemps, faute de temps, et je serais là-bas jusqu'à la semaine prochaine le temps de remplacer une collègue. Néanmoins, et si j'arrive à m'organiser (faites que oui... faites que oui...), je reintegrerai l'équipe en mai, du coup je croise les doigts, et vous avec moi.
 Et qui dit librairie dit littérature jeunesse. Normalement, je ne devrais pas avoir le temps de lire sur place, mais en ce moment je suis du matin et comme je reassortis mes étagères plutôt vite, il m'arrive de lire des albums et des romans jeunesse en attendant mes factures.

Catherine Certitude, Patrick Modiano
et Sempé, Folio Junior, 2011, 96 p.
 Et aujourd'hui j'ai décidé de vous parler d'un roman jeunesse d'un certain Patrick Modiano, intitulé Catherine Certitude.

J'aimerai tout d'abord dire deux mots sur la quatrième de couverture que je vous ai mis juste en dessous.

"Comme son papa, Catherine Certitude porte des lunettes. Et une paire de lunettes, cela complique parfois la vie : par exemple lorsqu'elle est obligée de les enlever au cours de danse. Car Catherine rêve de devenir une grande danseuse comme sa maman qui vit à New York. Mais ses lunettes lui offrent l'avantage de pouvoir vivre dans deux mondes différents : le monde réel, tel qu'elle le voit, quand elle les porte, et un monde plein de douceur, flou et sans aspérité si elle les ôte. Un monde où elle danse comme dans un rêve..."

Il y a de ça, c'est vrai, mais je trouve que ce petit résumé peut en berner plus d'un, dont moi. La danse est en effet présente dans les romans, mais n'est en rien son thème principal.
La danse étant relayée au second plan, le futur-lecteur est en droit de se demander à quoi s'attendre.

L'histoire commence lorsqu'un professeur de danse, Catherine, assiste de sa fenêtre New Yorkaise, à un cours de danse, et qu'elle apperçoit une petite fille enlever ses lunettes avant le début de la leçon comme elle le faisait elle même plus jeune. Ce spectacle lui fait l'effet d'une vraie madeleine, et fait remonter des souvenirs d'enfance, du temps où elle habitait à Paris.

On revit alors alors l'enfance de Catherine Certitude, rendues par les illustrations de Sempé: Ses promenades dans les rues de Paris avec son Papa, qui fait figure de meilleur copain, ses cours de danse teintée de satire vis-à-vis des dames de la bonne société, les diners dans la brasserie du coin et les interminables dictées du barbant monsieur Castorade, associé de son père et ferru d'orthographe.
Ceux qui ont déja lu du Modiano retrouveront par la même occasion les thèmes du souvenir, de l'identité, chers à l'auteur et qui jalonnent son oeuvre entière. Le tout grâce à la dualité apparence/vérité et la longue métaphore filée des lunettes de Catherine qui une fois retirées plonge la petite fille dans un autre monde alors que le simple fait de les remettre la ramène à la réalité.
Comme dans Rue des boutiques obscures, l'identité des personnages est floue. Au début du roman, on ne sait pas trop quel est le métier du papa de Catherine, ni que Monsieur Castorade avait, un jour, écrit de la poésie, a présent mise au tirroir.
 À travers un texte très pudique, rempli de douceur et où transparait la tristesse, Modiano lève le voile sur les apparences, en brossant le portrait de personnages dissimulant leurs vrais visages derrière des masques, des enseignes de magasins, une énorme villa où encore une cave remplie de petites statuettes de danseuses. Que les individus choisissent parfois de renier un passé trop douloureux, de changer de nom pour protéger ceux qu'ils aiment et pour se protéger eux même.

En plus d'envoyer valser les certitudes, Modiano montre que les souvenirs et que les existences se perdent dans l'immense masse des individus. Que le seul fait de repeindre l'enseigne d'un magasin suffit à perdre la trace de son propriétaire. L'occasion pour l'écrivain de faire de l'écriture le seul moyen de laisser une trace au monde.
Ainsi il y aura toujours une petite fille nommée Catherine Certitude qui se promènera avec son père dans les rues du Xe arrondissement, à Paris. 

NA

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