vendredi 29 juillet 2016

The only sea I saw was the seesaw sea with you riding on it. Lie down, lie easy. Let me shipwreck in your thighs.


Dylan THOMAS, Au bois lacté,
 texte français de Jacques B. Brunius
L'avant-scène théâtre,
Col. des quatre-vents, 2013, 100 pp.
Under Milk Wood - Au bois lacté- est le titre enchanteresque de la dernière œuvre de Dylan Thomas, enfant terrible de la poésie galloise du XXème siècle.  Il y est question du bonheur, de l'amour, de la morale et de la mort,

Cette pièce radiophonique- play for voices-, genre hybride entre le théâtre et la poésie, s'ouvre sur le spectacle de la ville endormie de Llareggub, petit port gallois bordé par le bois lacté où les narrateurs (Voix Une et Deux) nous invitent à découvrir les songes des villageois, leurs amours impossibles, fantasmés, des rêves où les morts s'immiscient et où les noyés reviennent à la vie.
Au petit matin, la marée des reminiscences se retire et chacun vaque à ses occupations quotidiennes. Seulement, il n'est pas donné à tous de revenir indemne du royaume des songes. Assaillis à l'ombre du bois lacté par leurs désirs les plus fous- rappellons au passage que la forêt, génératrice d'angoisse et de sérénité, est une représentation de l'inconscient dans l'imaginaire collectif-, les rancœurs surgissent, la sensualité jusque là contenue explose dans des accès de rage où le comique badine avec la "tristesse majestueuse" des personnages.
Il y a bien sur Captain Cat, Marin aveugle hanté par ses noyés, et dont le nom de la seule femme qu'il a aimé demeure à jamais encré sur son ventre, le couple Pugh est dominé par la haine féroce et comiquement sordide qu'ils se vouent et qui contribue paradoxalement à la pérennité de leur mariage, Willy Nilly le facteur et sa femme qui lisent le courrier des autres habitants du village, Polly Garter avec sa marmaille aux pères inconnus, Mae Rose-Cottage, jeune fille en quête de son "Mr Right", réprimant ses ardeurs alors qu'elle rêverait de se peler la peau et de s'abandonner au premier venu ("I'm fast. I'm a bad lot [...] I'll sin till I blow up").
Seul bémol mais pas des moindres, la traduction de Jacques B. Brunius qui sacrifie la musicalité du texte par souci d'en restituer le sens. Le bilan est mitigé. Pour ma part, je n'adhère pas.
Néanmoins aux preux qui souhaiteraient découvrir ce texte d'une incroyable beauté, je recommanderai d'écouter la pièce radiophonique, lue par Dylan Thomas lui même (l'accent gallois peut rebuter mais il n'est pas insurmontable et vous vous en verrez recompensés).

La poésie de Dylan Thomas est celle de l'abondance, de la fertilité, de la mort et de l'éternel recommencement. Sa voix digne des eubages, mêlant le langage populaire au chant de la lyre dans une litanie ésotérique, vous embarque dans un naufrage aigre-doux à l'épicentre de la douleur humaine.

N.A



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