vendredi 1 juillet 2016

Nous dansions sur un volcan, mais nul n'en avait cure, les affaires et l'opulence qui en découlait étaient les seules choses que l'on acceptait de regarder en face

Charif MAJDALANI,
Villa des femmes,
Seuil, 2015, 288 pp.
Nous sommes au Liban, dans les années soixante.
Skandar Hayek, grand patron, riche négociant ayant fait sa fortune dans le textile, gouverne en patriarche à la fois respectable et terrifiant la villa de Ain Chir, essentiellement peuplée de femmes: Mado, la soeur, Marie, l'épouse, Karine, la fille.
Le roman relate la grandeur des Hayek, leur splendeur, leurs si brèves années de gloire. Gloire éphémère puisque la mort du patriarche vient ébranler l'ordre dont il était le garant.
Mort qui coincide par ailleurs avec les premiers remous de la guerre civile de 75, le chaos étant comme exporté du microcosme qu'est la maison au pays tout entier.
Face à un aîné flambeur, dilappidant les richesses de la famille, et à un cadet absent, les femmes de la villa sont acculées à faire table rase de leur dissidents afin de sauver le navire, en garantissant un équilibre, même précaire.
À prendre les rennes pour faire tourner la machine tant bien que mal.

Il n'en est rien.

Pourtant, c'était plutôt bien parti. Le livre, comme tous les romans de Majdalani est bâti sur la diaïrétique de la construction et de la déconstruction. Il est question de grandeur déchue, d'un empire qui s'effondre, avec toute la dimension épique que cela suppose. Les catastrophes s'enchaînent, les trêves, de courtes durées, annoncent souvent le chaos. Le roman abonde en références littéraires: Il y est aussi bien question de L'Or et de la Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars1 , que d'Horace de Corneille puisque nous retrouvons des bribes de Camille chez le personnage de Marie, laquelle rêve à son amant perdu. Par ailleurs, l'écriture de Charif Majdalani n'est pas sans rappeler celle de Joseph Kessel, surtout lorsqu'il s'agit de raconter l'Odyssée de Hareth, le fils aventurier, qui parcours le monde en quête d'autres horizons.
Roman riche, donc. Bien écrit, fluide, qui se dévore.

Difficile d'y voir une ombre au tableau. Pourtant, en cherchant la petite bête, il y en a bien une. Les femmes.
Fantôches, bidons, celle qui auraient dû se tailler la part du lion manquent terriblement de corps. Celles qui auraient dû empoigner le taureau par les cornes font décidement pâle figure. Si elles tentent de restaurer la grandeur des Hayeks et de la maintenir, entre autres en traitant (où pas) avec les miliciens, c'est souvent pour alimenter la guerre intestine qu'elles se livrent mutuellement.
Métonyme de la guerre civile? Peut-être.
Toujours est-il, que les femmes, pourtant mises en avant par le titre du roman ne seront pas les chevalier du salut. Inconsistantes lorsqu'elle ne sont pas vicieuses, elle ne font que préparer le terrain à Hareth,  dont le retour, apothéose du roman, est porteur de résolution, au terme d'un combat mené contre les forces du "mâle".
La femme reste le "sexe faible", les belles paroles de l'auteur n'y font rien. Elles sonnent presque faux. On nous avait promis des lionnes, au final nous nous retrouvons avec des mégères.

N.A


1. Charif MAJDALANI, Villa des femmes, Seuil, 2015, p. 178.

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