dimanche 24 avril 2016

Et combien je brûlais de m'abandonner, de m'abandonner toute, je ne le sentis que lorsque je fus seule avec moi même.

Stefan Zweig,
Vingt-quatre heures de la vie d'une femme,
Le Livre de Poche, 127 pp.
Alors que le narrateur séjourne dans une pension "comme il faut" sur la Côte d'Azur, Mme Henriette, femme "respectable" s'enfuit brutalement avec un inconnu rencontré la veille, laissant derrière elle mari et enfants. S'en suit une conversation houleuse entre les pensionnaires autour de la sacro-sainte moralité et des amours légères et folâtres. Le narrateur prenant parti pour madame Henriette, le débat manque de tourner au vinaigre et ce jusqu'à l'arrivée d'une certaine Mrs C., vieille dame anglaise flegmatique et distinguée qui se rallie à la cause de la femme. Par la suite, elle livrera au narrateur un lourd secret: à l'instar de Mme Henriette, Mrs C. s'est laissée envouter en l'espace de vingt-quatre heures heures, par un illustre inconnu, il y a de cela vingt-quatre ans.

La structure du récit en elle même permet d'anoncer les grandes lignes dirrectrices du roman. À l'instar du Malfaiteur de Julien Green, les histoires sont emboitées, celle de la disparition de Mme Henriette brièvement relatée par le narrateur encadrant celle de Mrs C. narré par cette dernière, la mise en abyme renvoyant d'une part au secret longtemps tû par la vieille anglaise, et instaurant une relation d'analogie entre les deux femmes. 
La scène de la première rencontre passée la stupeur initiale annonce les thèmes de la fascination et de la passion que Stefan Zweig explore dans les Vingt-quatre heures de la vie d'une femme et dont il brosse un tableau implacable.
"Eh bien, je les ai regardées toute la soirée- oui, regardées avec une surprise toujours renouvelée, ces mains extraordinaires, vraiment uniques-, mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre, de lutter entre elles. Ici, je le compris tout de suite, c'était un homme débordant de force qui concentrait toute sa passion dans les extrémités de ses doigts , pour qu'elle ne fît pas exploser son être tout entier."
Cette passion autour de laquelle orbite le roman est duplice. Elle renvoie d'une part à la rage du jeu, irresistible et fatalement persistante du jeune polonais et les transports irraisonnées de Mrs C. envers ce dernier, la métamorphosant en  créature instinctive et amorale. Si la thématique de l'aliénation est dominante dans le récit, l'écriture de Zweig n'épargne cependant pas la société "bien pensante" bourgeoise, ses bienséances, ses cancans et la férocité des femmes entre elles.
 
L'auteur, comme pour ses autres nouvelles, nous livre ici une analyse psychologique de ses personages rondement menée, cinglante et profondément pessimiste, qui aurait peut être gagnée à être nuancée. Il manque aux protagonistes de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, à l'instar de ceux du [Le] voyage dans le passé cette étincelle qui fait les héros et les antihéros, et qui, par son absence nous confronte à des cas cliniques factices parce que trop étudiés.

N.A

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