dimanche 28 février 2016

"Et soudain tout disparaît.... c'est très cruel."

Enrique FERNANDEZ, L'île sans sourire,
Éditions Drugstore,
2009, 56 p.
Mr Dean a perdu fils et femme.
Géologue taciturne, il accoste à Yulkukany, l'île aux baleines, une terre isolée par les flots battus par les embruns.  Là-bas, il rencontre Eli, une petite fille qui déborde d'énergie et qui respire la joie de vivre. Deux prismes, et deux visions du monde complètement opposées.

Enrique Fernandez joue avec les codes du merveilleux et du fantastique pour tisser les fils de son intrigue: une petite fille orpheline, un prince loup transformé en chat, une sorcière vivant dans les bois. Tant d'éléments qui auraient aussi bien pû figurer dans un conte de Grimm ou de Perrault. La bande-dessinée relate une initiation, celle de Mr Dean qui, mis a mort symboliquement, renaît ensuite, ayant retrouvé son âme d'enfant.
Pour ce faire, il suffit d'adhérer au pacte, de ne pas prendre la "soupe du soir" pour comprendre les raisons pour lesquels le sourire quitte les habitants de Yulkukany, pourquoi les adultes ont "perdu depuis longtemps la capacité de ressentir" les effets du bonheur... ou pas.
Difficile en effet d'entrer dans cet univers onirique. À l'instar de Mr Dean, j'ai été profondément exaspérée par la petite Eli, son monde fantasque peuplé de chimères, la faute à la faiblesse des dialogues.
Par ailleurs, l'histoire sans être foncièrement mauvaise souffre de l'absence de cette petite touche épique qui aurait pû emporter le lecteur; le résultat est niais bien qu'il tende à regler des crises à l'instar du deuil ou de la perte des êtres chers. Dernier point à aborder  mais pas des moindres : le graphisme. Malgré la très belle couverture et le symbolisme des couleurs, le dessin me gène, le rendu du traitement informatique de l'image n'est pas assez lisse.

Si le dénouement heureux m'a agacée, il respecte cependant la morphologie du conte selon Buno Bettelheim, qui, binaire, orbite autour du mécanisme de la crise et du mécanisme de la réparation, une promesse de salut.
Reste à savoir si le lecteur abordera ce livre avec la perspective de Mr Dean où avec celle d'Eli; s'il reussira à concilier l'onirisme de l'enfance et le regard désabusé de l'adulte et de sa pesanteur.


"De toutes façons, le prince Yémi monte la garde, il a fait le serment de me protéger éternellement-
La métamorphose du prince Yémi. p.9
Vous mentez à vos enfants. Il faut leur dire la vérité, qu'il y a des risques et des dangers. Vous faites la fête et vous dansez jusqu'à l'aube, vous inventez des histoires fantastiques en guise d'explications, et vos maisons sont peintes de couleurs vives pour créer autour d'eux un monde merveilleux.
Et soudain, tout ca disparaît... c'est très cruel.
p.23
N.A

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