vendredi 29 avril 2016

Chaque jour consumé dans le travail déposait quelques petites poussières de cendre sur son souvenir ; il rougeoyait encore, comme des braises sous le gril, mais finalement, la couche grise ne cessait de s'épaissir.

Stefan ZWEIG,
Le voyage dans le passé,
 Livre de poche, 2010, 177 pp.
Le voyage dans le passé relate les retrouvailles entre un homme et une femme qui se sont aimés et qui croient s'aimer encore.
Engagé par le conseiller G. et occupant la position de secrétaire, il prend ses quartiers dans la demeure de son riche protecteur, pénétrant dans l'intimité du riche industriel. Il tombe amoureux de la femme de ce dernier, un amour platonique.
Brûlant d'aller quérir fortune au Mexique, Louis fait à l'objet de sa passion la promesse du retour prochain, elle, lui jurant de se livrer à lui toute entière.
Mais la guerre éclate.
À la distance physique vient se superposer une distance temporelle, l'attente. Les années passent: l'ennemi de l'amour, c'est le temps; à supposer qu'il s'agisse bel et bien d'amour et non d'amour propre. Louis est un arriviste, un jeune lion, cherchant à prendre sa revanche sur la vie et sur ce milieu modeste dont il est originaire et qui lui colle fatalement à la peau.
Le fait qu'il s'eprenne de la femme de son bienfaiteur, riche bourgeoise, ne surprend personne, la courte durée du faux dilemme auquel il est confronté non plus. Et que dire de sa "volonté fanatique" de posséder celle qui neuf ans plus tôt s'était refusée à lui, la même qui le poussa vers le Mexique.
Louis n'aime personne mis à part lui même. Il n'est pas sans nous rappeller Julien Sorel(1) qui semble épris de madame de Renal mais dont les réelles motivations sont purement arrivistes.
Son entêtement, sa brusquerie gauche, et enfin les pressions qu'il exerce sur celle qu'il eut aimé, femme à présent vieillie et fanée, pour la contraindre à se livrer à lui ne semblent être que les manifestations de ses appétits et de sa volonté d'être reconnu, dans laquelle nous pourrions voir, sans trop nous avancer un complexe de Prométhée(2) , ou la volonté de Louis de dépasser ce père de substitution socialement supérieur qu'incarne le conseiller G.
N.A
(1)  STENDHAL, Le Rouge et le Noir,
(2) BACHELARD Gaston, La Psychanalyse du Feu, Gallimard, 1949, "Folio Essais" , p.28- 29
Dans la psychanalyse du feu, Gaston Bachelard définit le complexe de Prométhée comme « toutes les tendances qui nous poussent à savoir autant que nos pères, plus que nos pères, autant que nos maîtres, plus que nos maîtres ».

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