"Le quatrième mur est un écran imaginaire qui sépare l’acteur du
spectateur. Parallèle au mur de fond de scène, il se situe entre le
plateau et la salle, au niveau de la rampe. Le public voit alors
une action qui est censée se dérouler indépendamment de lui. Il se
trouve en position de voyeur : rien ne lui échappe mais il ne peut pas
intervenir. Le personnage peut briser cette illusion en faisant un
commentaire directement au public, ou bien en aparté.”
Le quatrième mur, c’est aussi un roman de Sorj Chalandon, paru chez Grasset en 2013. Il y est justement question de monter l’Antigone d’Anouilh en pleine guerre civile libanaise, en plein centre de Beyrouth, sur la ligne de démarcation.
Le projet utopique s’il en est, il est le fruit des rêves pacifistes d’un certain Samuel Akounis.
Samuel Akounis est juif (ou un juif?) rescapé des geôles des colonels grecs. Réfugié à Paris, il se lie d’amitié avec Georges (militant gaucho, pion le jour, tabasseur de néonazis la nuit).
Celui-ci l’entraine dans les escapades utopistes des derniers survivants de mai 68. En échange, Samuel, sur son lit de mort, lui fait promettre de veiller à ce que la pièce soit montée.
Ni une ni deux, George va à Beyrouth avec dans son sac, une copie d’Anouilh, texte qu’il vient de découvrir. Sur place, il rencontre les acteurs piochés dans les différents camps de belligérants par Samuel.
Pour faire bref, l’histoire se termine mal, tout le monde meurt.
Il semblerait que Chalandon, à travers un récit bardé de vérismes déguisés en hypotyposes ait choisi la problématique pas très originale de la guerre comme tragédie, ou du tragique de la guerre, ou de la fatalité de la violence en temps de guerre.
Peu importe, car dans tous les cas, nous ne rencontrons que des clichés cent fois ressassés de personnages sans grande épaisseur psychologique où le lecteur occidental bien-pensant se trouvera réconforté puisque les méchants sont toujours les mêmes, et que les innocents sont toujours attendrissant et se font toujours buter.
Si les motivations de l’auteur sont celles de montrer que la violence n’épargne personne, cela aurait marché dans un autre contexte. Seulement, celui de la guerre civile libanaise est tellement plus complexe que le réduire à une description manichéenne et supposer que tout pourrait être réglé sur les planches est d’une naïveté qui ne sied qu’aux manifestants du dimanche, défenseurs de la veuve et de l’orphelin par correspondance. Mais loin des discours politiques, le roman souffre surtout d’un simplisme à plusieurs niveaux:
Les personnages manquent d’épaisseur psychologique, leur motivations sont souvent floues et ils n’ont aucune vision du futur. Ceci empêche le lecteur de se projeter et d’éprouver une quelconque sympathie à leur égard, problème qui n’est pas résolu par des descriptions de la violence qui frôlent le pittoresque voire l’exotisme et qui éloignent ce récit de l’empathie et le rapprochent plutôt d’un exhibitionnisme très contemporain digne des téléréalités saturées de pathos.
Et puis, dans le roman, Georges est supposé être le Choeur. C’est Samuel qui en a décidé. Mais Georges a un mauvais coeur, c’est la première faillite, l’origine de l’échec. Au lieu de narrer Antigone, Georges prend part à la guerre, il se salit les mains et rencontre, comme tous les autres, une fin à la démesure de l’Histoire. Dans l’Antigone d’Anouilh, le chœur intervient au début du texte pour nous situer le contexte de la pièce et nous présenter les personnages qui y évoluent. Il réapparaît par la suite tout au long de la pièce pour faire avancer le récit ou amener un personnage à la réflexion… Le roman commence ainsi… et se termine de la même façon; seulement entre-temps, le Choeur a pris part aux jouissances, il s’est perverti, mais peut être l’était-il déjà avant. En tout cas, il ne remplit pas son rôle et toute l’histoire s’en trouve déstabilisée.
Georges a failli à sa mission. Sorj aussi. Les personnages ne sont pas de taille, les rêveurs sont mièvres, le roman insuffisant, la démarche simpliste. La guerre ne s’arrêtera pas pour le théâtre, il n’y aura pas de catharsis, le quatrième mur ne protègera pas les spectateurs. Le quatrième mur est tombé.
“Tous ceux qui avaient à mourir sont morts […] Morts pareil, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer à les oublier et à confondre leurs noms. C’est fini.”
N.A
Serge Harfouche
Le quatrième mur, c’est aussi un roman de Sorj Chalandon, paru chez Grasset en 2013. Il y est justement question de monter l’Antigone d’Anouilh en pleine guerre civile libanaise, en plein centre de Beyrouth, sur la ligne de démarcation.
Le projet utopique s’il en est, il est le fruit des rêves pacifistes d’un certain Samuel Akounis.
Samuel Akounis est juif (ou un juif?) rescapé des geôles des colonels grecs. Réfugié à Paris, il se lie d’amitié avec Georges (militant gaucho, pion le jour, tabasseur de néonazis la nuit).
Celui-ci l’entraine dans les escapades utopistes des derniers survivants de mai 68. En échange, Samuel, sur son lit de mort, lui fait promettre de veiller à ce que la pièce soit montée.
Ni une ni deux, George va à Beyrouth avec dans son sac, une copie d’Anouilh, texte qu’il vient de découvrir. Sur place, il rencontre les acteurs piochés dans les différents camps de belligérants par Samuel.
Pour faire bref, l’histoire se termine mal, tout le monde meurt.
Il semblerait que Chalandon, à travers un récit bardé de vérismes déguisés en hypotyposes ait choisi la problématique pas très originale de la guerre comme tragédie, ou du tragique de la guerre, ou de la fatalité de la violence en temps de guerre.
Peu importe, car dans tous les cas, nous ne rencontrons que des clichés cent fois ressassés de personnages sans grande épaisseur psychologique où le lecteur occidental bien-pensant se trouvera réconforté puisque les méchants sont toujours les mêmes, et que les innocents sont toujours attendrissant et se font toujours buter.
Si les motivations de l’auteur sont celles de montrer que la violence n’épargne personne, cela aurait marché dans un autre contexte. Seulement, celui de la guerre civile libanaise est tellement plus complexe que le réduire à une description manichéenne et supposer que tout pourrait être réglé sur les planches est d’une naïveté qui ne sied qu’aux manifestants du dimanche, défenseurs de la veuve et de l’orphelin par correspondance. Mais loin des discours politiques, le roman souffre surtout d’un simplisme à plusieurs niveaux:
Les personnages manquent d’épaisseur psychologique, leur motivations sont souvent floues et ils n’ont aucune vision du futur. Ceci empêche le lecteur de se projeter et d’éprouver une quelconque sympathie à leur égard, problème qui n’est pas résolu par des descriptions de la violence qui frôlent le pittoresque voire l’exotisme et qui éloignent ce récit de l’empathie et le rapprochent plutôt d’un exhibitionnisme très contemporain digne des téléréalités saturées de pathos.
Et puis, dans le roman, Georges est supposé être le Choeur. C’est Samuel qui en a décidé. Mais Georges a un mauvais coeur, c’est la première faillite, l’origine de l’échec. Au lieu de narrer Antigone, Georges prend part à la guerre, il se salit les mains et rencontre, comme tous les autres, une fin à la démesure de l’Histoire. Dans l’Antigone d’Anouilh, le chœur intervient au début du texte pour nous situer le contexte de la pièce et nous présenter les personnages qui y évoluent. Il réapparaît par la suite tout au long de la pièce pour faire avancer le récit ou amener un personnage à la réflexion… Le roman commence ainsi… et se termine de la même façon; seulement entre-temps, le Choeur a pris part aux jouissances, il s’est perverti, mais peut être l’était-il déjà avant. En tout cas, il ne remplit pas son rôle et toute l’histoire s’en trouve déstabilisée.
Georges a failli à sa mission. Sorj aussi. Les personnages ne sont pas de taille, les rêveurs sont mièvres, le roman insuffisant, la démarche simpliste. La guerre ne s’arrêtera pas pour le théâtre, il n’y aura pas de catharsis, le quatrième mur ne protègera pas les spectateurs. Le quatrième mur est tombé.
“Tous ceux qui avaient à mourir sont morts […] Morts pareil, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer à les oublier et à confondre leurs noms. C’est fini.”
N.A
Serge Harfouche
Ce qui m'a gêné également, c'est que le Choeur se transforme en Antigone. Je m'attendais à mieux pour un prix Goncourt des lycéens.
RépondreSupprimerJe pense que le choeur, element exterieur et donc objectif, devient Antigone apres avoir appuyé le doigt sur la gachette, et mis le doigt dans l'engrennage de la violence, il s'est sali les mains, et du coup perd toute sa crédibilité de coeur qui tient au fait d'etre exterieur au litige.
SupprimerC'est confirmé lorsqu'il rencontre le type au fond du trou. Je ne sais pas si tu te rappelles de la masse de ahlan wa sahlan qui jalonnent les chapitres. À la fin c'est George (qui est l'étranger, et qui n'avai rien a voir avec les belligérants du conflit) qui le dit, justement parce qu'en tuant, il intégré aux belligérants, et n'est plus percu comme un étranger, vu qu'il fait partie des gens ayant participé a la guerre.
D'ou la perte de l'identité du Choeur, ou profit de celle d'Antigone.