samedi 5 avril 2014

Mauvais Genre- Chloé Cruchaudet



Delcourt - 18.95€ - 160 p. - Septembre 2013

« Quoi, ça ne te fait pas plaisir que je te désire ? 
- Je ne te fais pas envie… tu as envie d’être moi, c’est pas pareil. »


Qui dit centenaire de la première guerre mondiale dit commémoration et Chloé Cruchaudet nous signe là un magnifique ouvrage. Probablement mon coup de coeur de l'année, et pourtant il faut dire que c'était plutot mal parti. N'ayant regardé la couverture que de biais, je m'attendais a une histoire naise, un peu dans le genre de le bleu est une couleur chaude.

Mauvais genre, c'est d'abord l'histoire de Paul et Louise Grappe qui voient la premiere Guerre mondiale éclater et les séparer alors que ces derniers viennent de consommer leur union.
Temoin des atrocités de la guerre, Paul, la peur au ventre entreprend de rentrer a Paris pour retrouver sa belle. Après avoir déserté, il est condamné a vivre dans une chambre d'hotel et décide de mettre un terme a sa claustration en changeant d'identité. Desormais on l'appellera Suzanne.

Je l'ai trouvé magnifique cette BD. Le story-board est parfait, cohérent, le dessin lui est juste magnifique, avec un tres tres bel usage de la couleur rouge, du gris et du noir, tous porteurs de tragédie.

L'auteure nous invite dans l'intimité d'un couple en apparence normal, qui éclate peu a peu a cause de la deshinibition de Paul des suites des atrocités de la guerre, ou plutot devrais je dire, a cause de Suzanne... Paul s'attache a son accoutrement qui finit par lui coller a la peau. Paul devient Suzanne. Peut être l'etait-il déja lors du combat dans les tranchées, enseveli dans un trou d'obus. Il laisse une partie de son moi, dans le but de se proteger, et en sors nouveau, une resurrection supposée salvatrice qui lui permet dans un premier temps de dissimuler ses demons sous le masque de celle qu'il incarne.
Nous assistons alors a un detournement du complexe de Jonas, et l'être qui en cache un autre est ici un symbole d'alienation ou la nécéssité de reconquerir son moi s'impose. Or celle ci ne peut se faire qu'en grignottant l'autre, l'enveloppe, l'apparence "elle" pour être rendu a la lumière et entrevoir le salut.
 
Le probleme, c'est que Paul s'embourbe dans le confort de mensonge, qui lui permet de bomber le torse et de suciter la convoitise de son entourrage, personnage au charisme foudroyant. "La reine" des libertins qu'il cotoye.
L'autre "probleme" c'est Louise, qui voit son mari lui echapper au profit de Suzanne, espece de double négatif, fantome de la grande guerre, responsable de l'eclatement de son couple.
Louise enceinte, impuissante face a l'alcoolisme et au desoeuvrement de Paul, victime de violence conjuguale, Louise desespérée mais terriblement forte, qui finira par commettre l'irreparable.

Une manifique BD donc, qui laisse de coté décorations et medailles pour traiter de l'apres guerre d'un point de vue social. Qui brosse parfaitement le portrait d'êtres paradoxaux,  complétement desinhibés mais qui, parralellement sont cappables d'amour.




N.A

1 commentaire:

  1. Très jolie critique, la BD m'avait évidemment donné envie après avoir été primée plusieurs fois, mais là je crois que je vais carrément aller la chercher pour moi!

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